Eric Schmikrath : Un monde en fragments, une vision singulière

Dans le paysage artistique belge, certains créateurs se distinguent par la singularité de leur univers et la sincérité de leur démarche. C’est le cas d’Éric Schmickrath, artiste originaire d’Arlon et installé à Bruxelles depuis 1995, dont les collages et assemblages donnent naissance à des figures oniriques, drôles ou mélancoliques, habitées d’un regard qui interpelle. Entre plume, papier et coquille d’œuf, il construit un monde à la fois surréaliste et profondément humain.

Avant de s’exprimer par la matière, il explore d’autres langages. Pendant dix ans, il anime des émissions à la RTBF, notamment autour des musiques du monde. Il s’initie ensuite à l’univers de l’antiquariat. Ce n’est qu’en 2016 que le besoin de créer s’impose à lui, lors de promenades au Bois de la Cambre, où il commence à ramasser des plumes, à observer leur forme, à y deviner des personnages. En parallèle, il expérimente les possibilités visuelles de la coquille d’œuf, et découvre dans le collage une évidence.

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les années folles eric schmikrath

Ce qui nourrit son art, c’est le quotidien. Une lumière, une attitude, un objet trouvé deviennent point de départ. L’atelier, qu’il appelle sa « caverne », est un refuge de création où il assemble, sans précipitation, des éléments souvent très éloignés les uns des autres, mais qu’il parvient à faire dialoguer. Une chaise devient un chien, une plume une élégante, un légume un visage. Ses personnages sont portés par un regard franc, expressif, qui interroge et donne corps à l’émotion. Le collage, chez lui, ne juxtapose pas : il révèle une nouvelle cohérence, inattendue, sensible.

Ses influences vont de James Marsh à Folon, en passant par Spilliaert ou Jo Delahaut, mais aussi des artistes contemporains avec qui il collabore volontiers. Il aime les aventures collectives, comme ce pop-up mené avec Viviane Tâm Laroy et David Duré, prolongé par un livre à l’image de leur univers partagé. Ce travail à plusieurs voix nourrit aussi sa propre recherche, tout comme l’exploration de la lumière à travers les textures fragiles de la coquille d’œuf, ou le pli imprévisible du papier.

Son œuvre Résilience, dédiée à sa mère, lui tient particulièrement à cœur. Créée en quelques heures, elle incarne son approche intuitive, organique. La liberté, toujours, est son moteur. Il le revendique sans détour : « Ne jamais transiger sur la liberté. » Un mot qui habite ses matériaux eux-mêmes, la plume et la coquille, toutes deux liées à l’idée d’envol.

Éric Schmickrath se reconnaît volontiers dans une sensibilité surréaliste : créer ce qui n’a pas encore été vu, refuser les évidences, laisser l’œuvre ouverte à l’interprétation. Il ne cherche pas à transmettre un message, mais à éveiller un regard. Dans un monde saturé d’images, il défend un art lent, habité, qui prend le temps de surgir. Certaines pièces sommeillent des mois avant d’être terminées. D’autres s’imposent d’un seul élan. L’important, dit-il, c’est qu’elles le touchent. Le reste, viendra après.

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la foret eric schmikrath