Il est des artistes dont l'œuvre semble surgir d’un ailleurs, à la fois intime et universel. Sophie Gerin, artiste française installée en Belgique, incarne cette quête de sens et de beauté à travers une pratique artistique profondément ancrée dans l’intuition, les mythes et les mystères de l’âme humaine.
Après un premier parcours dans la finance, elle amorce en 2006 un virage décisif : elle se lance dans la peinture à l’huile, au couteau, inspirée par la lumière et les paysages du sud de la France, région où elle réside aujourd’hui en partie. Ce premier élan artistique s’est enrichi au fil du temps de techniques nouvelles, notamment la gravure, apprise à l’École des Beaux-Arts de Versailles en 2011-2012. Depuis, elle ne cesse d’explorer et de combiner différentes pratiques dans une recherche constante: comment traduire l’invisible, l’indicible, ce qui échappe au langage logique.
Le processus créatif de Sophie Gerin est à l’image de son univers: méditatif, organique, imprévisible. Elle grave d’abord des visages ou des paysages sur des plaques de cuivre, qu’elle agence ensuite comme les pièces d’un récit visuel. L’encrage, réalisé à la main, devient alors un rituel, une danse intuitive faite d’allers-retours entre contrôle et lâcher-prise. À travers la presse, le papier humide accueille cette alchimie, révélant une œuvre toujours unique, où les traits gravés côtoient des abstractions lumineuses, où des visages émergent de paysages intérieurs.
Dans ses gravures comme dans ses peintures, on retrouve une dimension spirituelle marquée: visages d’avatar, paysages sacrés, mantras, symboles cachés... Son art explore les profondeurs de l’être, les échos des civilisations anciennes, les récits oubliés, et cette part de sagesse intemporelle que l’humanité porte encore en elle. Des influences notables, comme celles de Léonard de Vinci, Zao Wou-Ki ou encore Turner et Alechinsky, jalonnent sa démarche, mais toujours filtrées par un regard personnel, nourri de contemplation et de résonance intérieure.

Parmi ses œuvres marquantes, deux séries se distinguent. “Avatar” puise dans la richesse visuelle et symbolique du film culte, mais aussi dans les mythes hindous: on y perçoit des visages bleutés en lien avec le dieu Vishnu, une jungle foisonnante de verts profonds, et parfois l’éclat doré d’un mantra gravé. Une invitation à se reconnecter à l’essentiel, à cette force de vie primordiale. “Better Left a Mystery 1”, plus contemplative, joue sur les silences, les formes suggérées plutôt que décrites, et évoque une figure sage et lumineuse, presque christique, dans un univers semi-abstrait. Entre mystère et douceur, ces œuvres ouvrent un espace de méditation.
Artiste de l’abstraction lyrique, Sophie Gerin revendique une liberté poétique proche du surréalisme, pas tant pour ses représentations que pour sa démarche instinctive, intuitive, libérée des conventions. Pour elle, l’art est une passerelle vers d’autres dimensions, un langage chargé de symboles et d’émotions. Une manière d’élargir notre perception du réel.
Sensible aux enjeux du monde artistique contemporain, elle souligne l’importance de rester fidèle à ce qui nous touche vraiment, loin des tendances dictées par le marché. Dans un monde de plus en plus dominé par le numérique et l’intelligence artificielle, elle réaffirme la valeur de l’expression artistique comme moyen de transmission et de transformation: “Créer me nourrit, me connecte à ce qui est plus grand que moi.”

Aujourd’hui, Sophie Gerin poursuit son chemin artistique en mêlant gravure, peinture à l’huile et techniques mixtes. Sa recherche actuelle porte sur les superpositions, les collages, et l’évocation de plans multiples, une manière d’approcher visuellement cette coexistence du visible et de l’invisible qu’elle explore depuis ses débuts.
En écho à Kandinsky, dont elle aime citer cette phrase: “l’art n’est pas une création sans but… c’est une puissance dont le but est de développer et d’améliorer l’âme humaine”, l’œuvre de Sophie Gerin s’affirme comme un art de la résonance. Un art qui relie, interroge, apaise et surtout, ouvre les portes d’un monde intérieur que nous avons peut-être oublié de regarder.